L’HISTORIQUE DU VILLAGE

Le site de St Nazaire a été peuplé dès la préhistoire. Il y a environ 15 000 ans, à l’époque magdalénienne, l’homme de Cro-Magnon a habité la grotte de Tai (ou Thaïs), comme l’attestent les nombreux objets trouvés sur place : harpons, grattoirs, os gravés etc… (Voir grotte préhistorique de Thaïs).

Pendant la période gallo-romaine, il semble qu’un oppidum romain existait au lieu-dit « Quatre Têtes » qui domine le confluent de la Bourne et de l’Isère et qui est peut-être l’emplacement de la ville de Ventia. En 61 av JCH la tribu gauloise des allobroges qui occupait ce territoire entre en guerre contre les Romains de Marius Lentinus. Une grande bataille eut lieu ; les romains triomphèrent et occupèrent toute la région.

Au début du 13ème siècle, Flotte de Royans, fille du seigneur de St Nazaire Osasicca épouse Guillaume de Poitier, comte de Valentinois. St Nazaire était alors une vile puissamment fortifiée ; de formidables remparts descendaient du château seigneurial qui dominait la cité jusqu’au pont sur la Bourne.

En 1227, le dauphin Guignes VI prétendait être le souverain de Poitiers et déclare la guerre a Flotte et à son fils Cymar qui mène combat. Le conflit, au cours duquel St Nazaire fut ravagé par un gigantesque incendie, dura de nombreuses années. La victoire changea plusieurs fois de camps. Finalement, la paix fut signée en 1250 et le Dauphin fut reconnu suzerain des Poitiers.

Pendant les guerres de religions, la région fut le théâtre de nombreux combats entre catholiques et protestants commandés, pendant les premières années par le baron des Adrets de sinistre mémoire St Nazaire fut, à plusieurs reprises, occupé et pillé par les armées ennemies. En 1565, les huguenots incendièrent l’église. Après accord entre les 2 partis, les fortifications de la ville furent démolies en 1592. Aux malheurs de la guerre s’ajouta la tragique épidémie de peste de 1586 qui décima la population.

Au cours de la guerre de 14-18 23 Nazairois donnèrent leur vie au service de la patrie.

Pendant la 2ème guerre mondiale, St Nazaire, bastion avancé des maquis du Vercors, fut bombardé par l’aviation allemande le 29 juin 1944. Deux personnes furent tuées et de nombreuses maisons détruites. Du 20 juillet au 5 août 1944 l’armée allemande occupa le village. Dans le parc du château Laurent, siège du commandement, 33 patriotes forent exécutés. A cet emplacement, un mémorial a été édifié en 2001, pour perpétuer le souvenir de leur sacrifice. A leur départ, les Allemands pillèrent et incendièrent le château.

Enfin, la construction de l’aqueduc du canal de la Bourne de 1876 à 1879, la mise en eau du barrage sur Isère en 1958 ont donné à St Nazaire son aspect actuel.

Paul Marcel


AU FIL DE L’EAU……………AU FIL DU TEMPS

Paris a sa Tour Eiffel, New-York sa statue de la Liberté, Le Caire ses Pyramides; Saint Nazaire plus modestement a son aqueduc. Il est son étendard, son emblème, on dirait aujourd’hui son logo et les Nazairois en sont fiers. Il est connu dans la France entière et même à l’étranger, car imposante silhouette si caractéristique. Pour le jeune Nazairois d’autrefois, sa présence obsédante au-dessus de sa tête était comme un défi permanent.

C’était son Everest à lui qu’il se devait de gravir un jour. Ses aînés lui racontaient cette traversée héroïque, d’autant plus attirante qu’elle était interdite, et leur récit devenait, à ses yeux, une véritable épopée. Il rêvait de les imiter et d’entreprendre à son tour « le Grand Passage ».

Enfin, arrivait le jour tant attendu où, en compagnie de 2 ou 3 camarades de son âge et souvent d’un « ancien », il se lançait dans la grande aventure. Devant lui se présentait, à la fois tentateur et effrayant, l’étroit trottoir aux pierres inégales, avec, d’un côté, le canal roulant ses flots impétueux et de l’autre, le précipice. Pour seule protection, plus symbolique que réelle, une barrière branlante aux minces barreaux espacés. Nos jeunes garçons s’aventuraient d’un pas hésitant sur la chaussée cahoteuse, le cœur battant, les yeux fixés droit devant eux, agrippés à la main courante, partagés entre l’exaltation et la crainte. Puis, s’enhardissant peu à peu, ils avançaient d’un pas plus assuré et ils pouvaient, furtivement, porter leur regard vers le lointain.

Lorsqu’ils arrivaient au « point sublime » où l’aqueduc domine la rivière, où le précipice atteint sa plus grande hauteur, l’émotion s’élevait à son paroxysme. Certains évitaient de regarder le gouffre à leurs pieds; les plus hardis avec un délicieux frisson, laissaient leur regard plonger dans l’abîme. C’était pour tous, un moment inoubliable où chacun de nos aventuriers, par sa victoire sur l’aqueduc, en avait en quelque sorte pris possession; il était devenu « son » aqueduc. La fin du parcours n’était plus qu’un long bonheur, une profonde jubilation, où se mêlaient soulagement et fierté d’avoir surmonté cette épreuve initiatique. Aujourd’hui notre « aqueduc » a été magnifiquement aménagé. La couverture du canal, la pose d’une superbe barrière ultra moderne permettent aux visiteurs, qu’un ascenseur amène à pied d’œuvre, de parcourir cet ouvrage en toute sécurité et d’admirer le paysage grandiose qui s’offre à leur regard.

Mais, le vieux Nazairois, à travers ces splendides aménagements, gardera toujours gravée au fond de sa mémoire, avec la douce nostalgie qui s’attache aux choses du passé, l’image d’une fragile barrière branlante, d’un long trottoir bosselé, l’image de « son » aqueduc désert, où, avec un pincement au cœur, il s’aventurait par un jour radieux de sa lointaine jeunesse.


HISTOIRE DU CANAL DE LA BOURNE ET DE LA CONSTRUCTION DE L’AQUEDUC

De tout temps, la mise en valeur agricole des plaines, depuis le Royans jusqu’à Valence et au-delà, a nécessité l’utilisation de grandes quantités d’eau.
Dès le XVIIème siècle, la famille des seigneurs de Pizançon qui possède d’immenses champs, prairies, pâturages ainsi que des moulins, a déjà réalisé de nombreux ouvrages : canaux, chéneaux, baumes (conduites souterraines).
Au milieu du XVIIIème siècle, les intendants du Dauphiné de la Porte et Pajot de Maréchal s’intéressent à un projet d’envergure : la mise en valeur agricole de la plaine de Valence par le captage des eaux de la Bourne.
Plus d’un siècle de réflexions, d’amorces d’études, de tentatives sera nécessaire pour regrouper les propriétaires fonciers intéressés, avant d’en voir un début de réalisation !

XIXème SIECLE, DE LA REFLEXION A LA REALISATION
Le Premier Empire
voit aboutir les premières réflexions sérieuses : une lettre du Ministre de l’Intérieur du 12 novembre 1810 destinée au Préfet de la Drôme, avance déjà l’idée d’un grand canal alimenté par les eaux de l’Isère et la Lyonne.
L’année suivante, Guyton, élève de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, mène des enquêtes de terrain. L’ingénieur du département Lesage en conclut, au cours de l’été 1811, deux impératifs techniques :
– Etablir la prise d’eau du canal principal non pas, comme cela avait été envisagé, au niveau du détroit naturel sous le pont même du village de Saint-Nazaire, mais bien plus en amont, juste en dessous de Pont-en-Royans.
– Envisager la construction d’un pont aqueduc d’au moins 200 mètres de long et plusieurs dizaines de mètres de haut pour franchir la Bourne au niveau même du bourg de Saint-Nazaire-en-Royans.
Le Directeur Général des Ponts et Chaussées estime, dans son rapport du 10 février 1812, que ces options techniques sont beaucoup trop coûteuses (4 millions de francs), du fait notamment de l’aqueduc : le projet est mis en sommeil pour de longues années.
Car, outre le contexte politique de l’époque (chute du Premier Empire), on ne connaît pas encore l’étendue et la qualité exacte des terrains à mettre en valeur dans la plaine de Valence. La réponse sera connue à l’achèvement de l’inventaire cadastral qui commence à peine dans le périmètre concerné.

En 1828 : Un projet en Isère !
Du côté du département voisin de l’Isère, un projet d’irrigation, toujours par les eaux de la Bourne, des territoires d’Auberives, Saint-Just-de-Claix et Saint-Romans voit le jour. Le Préfet de l’Isère répond au Sous-Préfet de Saint-Marcellin qu’il est nécessaire que les propriétaires riverains se regroupent en syndicat. Mais rien ne se fait…

Les années 1840 :
– 1839 :
Le Conseil Général de la Drôme relance le projet. Mais il faut d’abord 4 ou 5 ans pour retrouver les études réalisées au début du siècle !
– Août 1846 : l’avant-projet reprend les grandes options de 1811 avec franchissement de la Bourne en aval de Saint-Nazaire par un aqueduc à double niveau d’arches :

Une option « pont suspendu » avec piles en pierres et conduit à coffrage bois pour l’eau est rapidement abandonné.
Le coût initial est estimé à 4 millions de francs. Techniquement, il est prévu que la pierre, au lieu de venir de Crussol, en Ardèche, sera extraite à Saint-Nazaire même, et que les aqueducs prévus en amont, seront remplacés par des tunnels.

Les années 1850 : Elles connaissent une forte mobilisation locale pour trouver les financements.
Une commission est chargée de recueillir l’adhésion des propriétaires intéressés par le canal.

Août 1860 : Napoléon III reçoit un document : « Notice sur le projet de dérivation des eaux de la Bourne pour l’arrosage des plaines à l’est de Valence ».
Les grandes options techniques sont précisées : souterrains en amont, pont aqueduc sur 259 mètres avec passage de la Bourne sous une seule arche de 19 mètres, deux souterrains en aval de Saint-Nazaire de 48 et 293 mètres.
Le Syndicat provisoire du Canal de la Bourne est créé, les intéressés se réunissent en Société, les registres d’adhésions sont ouverts.

Les années 1860 – 1870 :
Malgré la mobilisation, il faut une douzaine d’années pour que les choses avancent :
Les montages juridiques et financiers entre partenaires publics et privés remettent le dossier en cause.
Des modifications sont envisagées quant au financement (candidature très controversée de la Société concessionnaire du canal du Verdon) et au tracé :
– déplacement du barrage de la prise d’eau au-dessus de Pont-en-Royans
– allongement discutable des canaux pour augmenter la surface irriguée
– remplacement de l’aqueduc par un siphon pour irriguer Saint-Just et Saint-Romans.

Les enquêtes sans résultats et les comités locaux sans autorité ont fini par surexciter les populations qui poussent les élus locaux à trouver une solution rapide et efficace :
– 17 juillet 1872 : l’enquête d’utilité publique est lancée par le Ministre des Travaux Publics.
– 7 mai 1873 : la convention entre l’Etat et le Département de la Drôme est signée.

La Déclaration d’utilité publique est publiée au Journal Officiel, fixant la subvention de l’Etat à 3 millions de francs.
La construction peut enfin débuter !

Les travaux de creusement sont menés sans retard. L’idée de l’aqueduc est assez bien acceptée par la population nazairoise.
Le projet d’ensemble, lui, est choisi, avec neuf autres grands chantiers, pour représenter le Ministère des Travaux Publics lors de l’Exposition Universelle de 1878 à Paris. Ce qui, un an avant l’inauguration du canal, renforce l’attrait touristique de Saint-Nazaire, déjà vanté pour le pittoresque de son site.
La construction et son exploitation sont confiées à la Société du Canal de la Bourne. Une convention est signée avec l’Etat (loi du 21 mai 1874).
Les travaux sont réalisés par la société Watel et Ferry pour un coût de 4 millions auxquels s’ajoutent 2 millions pour les canaux secondaires, 200 000 francs pour la dérivation de la Lyonne et 800 000 francs de frais généraux.

Les 7 millions sont apportés :
– pour 2 millions par le capital de la Société (4000 actions de 500 francs),
– pour 3 autres par subvention de l’Etat
– pour les 2 restants par capitalisation de la souscription escomptée des usagers (dans les faits, il faudra avoir recours à l’emprunt pour plusieurs millions…)

La construction:

Printemps 1876 : le terrain est découpé en sections où travaillent 600 ouvriers.
48 km de canal principal et 70 km de secondaires sont à creuser : il faut acheminer 7 m3 par seconde pour irriguer au moins 7000ha de terrain dans la plaine de Valence.
Automne 1876 : sont réalisés : les ¾ des tunnels (2,5 km), 20 ouvrages ordinaires sur les 65, ainsi que le pont aqueduc de Tarze et 4 arches de l’aqueduc de Saint-Nazaire (sur 17).
A Saint-Nazaire, on réoriente des ruelles et chemins sous l’ouvrage. Les réclamations pour dépréciation des biens et insalubrité due au canal ne sont pas suivies : le jugement d’expropriation pour cause d’utilité publique est rendu en juillet 1876.

L’aqueduc est achevé en 1878. Mais les travaux du canal durent jusqu’en 1882.

La grande sécheresse de 1885 met la Société du Canal en grande difficulté : pour résoudre la pénurie d’eau, on envisage de nouvelles dérivations de la Lyonne ou du Cholet et même d’accroître la prise d’eau sur la Bourne, au risque de perturber le fonctionnement des usines installées sur ses berges. Mais le coût -800 000 francs- est trop élevé.

Des critiques s’élevèrent contre les vidanges du barrage en été, les détritus accumulés dans le lac formé par le barrage pourraient causer des fléaux épidémiques… (Référence à l’épidémie de choléra qui sévit à Toulon en 1884).
Enfin, la mobilisation des agriculteurs de la plaine de Valence est un échec : leur adhésion et les souscriptions se font attendre.
La Société tente de créer des prairies modèles (1890). La situation stagne jusqu’après la Première Guerre Mondiale où un début de solution est trouvé avec la mise en place d’une association syndicale.

L’aqueduc trouve un accueil très favorable auprès des « excursionnistes ».
Journaux et dépliants vantent les qualités esthétiques et architecturales d’un monument qui renforce l’identité du site nazairois déjà connu au XVIIème siècle :

L’aqueduc de Saint-Nazaire-en-Royans :

  • longueur : 235 mètres,

  • hauteur : 35 mètres,

  • construit entre 1876 et 1878 pour amener de l’eau d’irrigation dans la plaine de Valence grâce à un système de canaux de 118 kilomètres.


Toujours en fonction, le Canal de la Bourne débite en moyenne 7 m3/s.

Au pied de l’aqueduc, un musée-archive retrace l’épopée de la construction du canal. Un ascenseur aménagé Il y a quelques années contre l’une des piles du pont, un déambulatoire grillagé installé directement sur le cours d’eau, des panneaux d’information et des bornes parlantes permettent à la fois de mieux comprendre l’impact régional de l’ouvrage et de découvrir le vieux village de Saint-Nazaire, les paysages de la vallée de la Bourne et les contreforts du Vercors.
Quand on traverse Saint-Nazaire-en-Royans, il est impossible de ne pas voir l’aqueduc.
D’ailleurs, la route département qui relie Romans-sur-Isère à Grenoble passe dessous…
Du haut de ses 35 m, il enjambe la vallée de la Bourne et permet le passage d’un canal permettent l’irrigation de la plaine de Valence. Il a été construit entre 1873 et 1876.
En été, il est possible d’emprunter un ascenseur pour aller se promener sur l’aqueduc, au-dessus des eaux du canal qui s’écoule sous une grille…

De l’autre côté, la vue porte jusqu’aux entrées des gorges de la Bourne à Pont-en-Royans sur la droite et de Combe Laval sur la gauche. Tout au long des 235 m de l’aqueduc, on peut alors admirer le paysage… à commencer par les eaux du lac de la Bourne, lac créé artificiellement par la mise en eau d’un barrage hydro-électrique en aval sur l’Isère (la Bourne se jette dans l’Isère à la sortie de Saint-Nazaire-en-Royans).